« Chaque sourire cache une dizaine de larmes mais aucune larme ne vaut un sourire. »
Alyssa Symphony Caldwell.
Personne ne se rappelle de sa naissance. Heureusement d'ailleurs, ils ont misé sur ça : les enfants envoyés sur Terre sont ainsi persuadés d'y être nés. Foutaises, bien sûr. Mais on dit que ce sont des mensonges nécessaires pour leur bien être. Les personnes restant toute leur vie dans les nuages, sans passer par la case Terre, sont rares et pour cause : ils ont très souvent d'importants problèmes, leur équilibre mental et parfois physique ne sont pas préservés. Alors depuis des générations, on envoie les enfants des nuages, et plus récemment de l'horizon, sur Terre en l'attente de leur remontée.

Alyssa Symphony Caldwell était la fille de Lawren Caldwell, enfant des nuages. Malheureusement - ou pas ? - elle ne serait jamais amenée à le savoir, et vivrait sa vie en suivant ses propres choix et sa propre destinée. Celle-ci, elle a commencé à la forger dans son quartier de New York, où elle a vécut sa petite enfance. Alyssa habitait à Brooklyn dans une famille de classe sociale moyenne, voir assez pauvre, qui se démenait pour garder la tête à la surface. Un père ouvrier et une mère institutrice et femme de ménage, cela ne rapporte pas beaucoup d'argent à la maison, mais avec la volonté de ces admirables parents, la famille s'en sortait. Ils habitaient un petit appartement du troisième étage d'un grand immeuble, au tapis de sol rougeâtre et à l'odeur de poisson cuit, appartement dans lequel Alyssa fit ses premiers pas et articula ses premiers mots. La petite était habituée aux bruits de la ville et le temps qui passait lui semblait moins long quand celui-ci l'accompagnait dans ses après-midi d'ennui. Et puis il y avait Jude, une petite fille qui habitait à côté : elle était toujours d'accord pour jouer à un jeu, sauf à saute-moutons et les deux enfants exploraient leur immeuble comme s'ils allaient y trouver un trésor chaque samedi après-midi. Elle aussi avait quelques problèmes d'argents, pas vraiment similaires mais tout de même présent. Mais alors qu'elles avaient huit ans, sur le trajet de retour de l'école qu'elles faisaient à pied, elles se promirent qu'elles ne deviendraient jamais comme Dylan ou Edward, Cheeny ou Katy. Ces enfants ? Tous des petits camarades de leur école qui à huit ans à peine commençaient à mal tourner. Dylan répondait aux professeurs et conférait des injures à qui voulait l'écouter, Edward tapait tout ceux qui lui parlaient et trainait dans la rue avec les grands le soir, Cheeny tenait la main à tout les garçons de l'école et se vantait d'avoir déjà bu de l'alcool fort, tandis que Katy griffait les filles avec qui elle ne s'entendait pas et s'amusait à regarder les garçons quand ils faisaient pipi. Des idiots. Elles se l'étaient dit. Jude voulait devenir avocate et disait à Alyssa qu'elle entrerait à l'université de New York ou bien à Columbia, et celle-ci lui répondait qu'elle serait architecte et qu'aucun enfant ne vivrait jamais plus dans de minuscules appartements au sol rouge. Il était là leur bonheur : savoir que malgré toutes leurs difficultés, elles resteraient sur le droit chemin et auraient un avenir. Ensemble, elles vaincraient le monde et le rendraient meilleur.
Mais tout s'écroula alors qu'Alyssa avait onze ans. Elle venait d'entrer au collège mais ce n'était encore qu'une enfant. Papa lui disait depuis quelques temps qu'il ne fallait pas trop bousculer maman, d'ailleurs quand celle-ci rentrait après sa journée de cours et de lavages, elle semblait de plus en plus épuisée. Quelques semaines plus tard, elle arrêtait son travail de femme de ménage, puis celui d'institutrice. La petite voyait bien qu'il se passait quelque chose et elle en parlait tout les soirs à Jude. Celle-ci l'écoutait d'une oreille attentive et la rassurait, lui disant que tout irait dans quelques temps, sa mère retrouverait bientôt sa forme et elle pourrait à nouveau lui sauter dans les bras sans avoir peur qu'elle ne s'écroule. Comme elle avait tord. Trois mois après l'arrêt de toute activité, la mère d'Alyssa décéda de sa maladie. Quand la petite arriva de l'école, elle posa son cartable à son habitude près de la table en bois du salon et ouvrit le frigo pour en sortir une bouteille de jus de fruit. Après avoir bu son verre d'une traite, elle entra dans la chambre de sa mère pour l'embrasser avant d'aller faire ses devoirs. Mais cette fois-ci, sa mère ne bougeait pas, elle ne respirait même plus. Quand Alyssa comprit, elle se figea, pendant une bonne dizaine de minutes. Des images passaient dans sa tête et des réflexions l’étouffaient. Ce ne pouvait être vrai, elle ne l'admettrait jamais. Doucement, une larme coula du coin extérieur de son oeil droit, cachée par une mèche de cheveux rebelle. Elle descendit le long de sa joue avec douceur comme pour lui rappeler la tendresse que sa mère avait toujours envers elle. Quand elle toucha ses lèvres, Alyssa ne bougea pas, la laissant se séparer en deux chemins : un perlant sur le bord de la joue et l'autre s'infiltrant dans sa bouche asséchée. Morte. Ce mot fut comme un coup de poignard dans le coeur de la petite, qui tomba par Terre, s'écroulant de tout son poids sans se soucier de la douleur physique qui la prenait elle aussi. Elle fixa le plafond beige et tourna la tête vers le lit abritant celle qui était son trésor, sa maman. Elle fut prise de secousses puis de sanglots, et se mit à pleurer vraiment, comme elle ne l'avait jamais fait. Elle avait envie de partir, de s'en aller loin de cette réalité qui l'attaquait avec  ses lames tranchantes. Elle se leva, tituba jusqu'à la porte et couru dans les escaliers, se souciant peu des gens qui la regardaient incrédules, munis de blousons et de parapluies. Elle ne pensait plus à rien, son esprit s'était étrangement vidé et une seule chose la faisait avancer, une certitude : il fallait qu'elle parte, loin. Elle avança tout droit et sortit dans la rue, la traversant en plein milieu sans se soucier des klaxons furieux des automobilistes. D'un pas rapide, elle traversa son quartier et ne s'arrêta de marcher que quand la nuit fut noire. Elle ne savait pas où elle était, et dans l'air humide annonçant une nuit proche, elle s'assit enfin sur le bord d'un trottoir. Ses joues étaient collantes à cause des larmes à moitié séchées par le vent qui les parcouraient. Elle respira lentement et essaya de ne plus penser. Mourir aurait été une bonne solution. Au lieu de ça, une goutte tomba sur son épaule, puis une autre sur sa jambe, et il se mit à pleuvoir.


« Refaire sa vie ce n'est pas seulement réapprendre à évoluer, c'est aussi oublier comment on avait fait la première fois. »
Alyssa Symphony Caldwell.
Au début, elle ne s'en rendit pas compte. C'était comme si un certain calme arrivait enfin, la soulagent de sa peine. Elle se sentait léviter en l'air, sachant parfaitement que c'était impossible. Ses yeux étaient brouillés par les larmes et ainsi elle ne remarqua pas qu'elle était déjà à un bon mètre du sol. Jusqu'à ce qu'elle dépasse le toit d'une maison non loin de là. Elle sursauta et commença à paniquer, tentant de s'accrocher à n'importe quoi qui pourrait la ramener sur Terre. Que lui arrivait-il ? Et puis elle comprit. Doucement, alors qu'elle s'élevait toujours plus haut, les pensées firent leur chemin : la pluie, bien sûr ! Depuis toujours elle l'avait évitée comme la peste, sous conseil de ses parents très protecteurs. Ce fut d'abord oppressant : trop de choses lui passaient par la tête pour qu'elle puisse profiter. Elle pensa même un instant que son crâne allait exploser. Mais une fois la première impression effacée, elle se rendit compte que voler était extraordinaire. Tout d'abord la pluie ruisselant sur sa peau lui avait donné l'impression d'être attirée par le haut, incontrôlablement, puis après quelques minutes elle ressentit cette impression de maitriser son vol. Pas encore comme une professionnelle, certes, mais elle savait que c'était elle qui voulait ces mouvements. C'était un peu comme réapprendre à marcher, en mieux. Tout à coup, ses soucis s'envolaient avec elle, comme si toute cette journée n'avait jamais existé et qu'elle avait toujours été ici, à voler doucement. Ce calme pesant la quitta pourtant alors qu'elle s'approchait des nuages. Tout à coup, surgissant de nul part, un garçon d'une vingtaine d'années se présenta face à elle d'un air pressé, voir même un peu stressé.
« Bonjour Alysha ! »
« Alyssa. » répondit celle-ci déjà agacée. Déjà ce garçon rompait son moment à elle, son coin de paradis qui la sauvait de ses problèmes, il faisait comme s'il connaissait déjà son nom - comme dans les films de sorciers, pensa t-elle - et se trompait. Mauvais départ !
« Toute mes excuses. Je m'appelle Charls, je suis un enfants des Nuages, et tu en es une aussi. J'aimerais te ramener dans ton vrai chez toi, où tu n'auras plus de problèmes. »
Sceptique, Alyssa regarda son interlocuteur. Pourquoi lui ferait-elle confiance ? Tout cela lui semblait irréel. Et si ce n'était qu'un rêve et qu'elle se réveillait dans la rue, seule et trempée ? Elle vit alors que Charls lui tendait la main. Sans le vouloir vraiment, un rictus s'afficha sur son visage. Pour qui se prenait-il, à vouloir déjà la prendre par la main ?
« Hé toi, Charls ! Éloignes-toi de Alyssa. Je connais tes intentions, restes loin d'elle. » Ces mots sortirent de la bouche d'un jeune homme d'environs seize ans, à l'air sur de lui et protecteur. Tout de suite, Alyssa se sentit plus à l'aise. L'idée de les questionnait pour savoir ce qui se passait, pourquoi ils étaient en conflits et qui elle devait choisir ne lui effleura pas l'esprit. Quand Le garçon se présenta sous le nom de Devon et lui proposa sa main pour la conduire dans son monde, elle n'hésita pas et se saisit de celle-ci. Erreur, de suivre cet enfant de l'horizon ? Pour un enfant des nuages peut-être, mais pas pour elle.
Après avoir volé quelques minutes, ils arrivèrent près d'un territoire protégé et Alyssa aperçu une grande entrée.
« Où est-on ? » demanda t-elle simplement.
« Nous arrivons dans la brume, territoire du Roi de l'Horizon, ton nouveau peuple. Je sais ce que tu te demandes : qui était ce garçon. Un enfant des Nuages, nos ennemis. Ils ont chassé notre Roi à tord et essaye de convertir tout les enfants à leur cause. » Quelque chose dans la façon avec laquelle Devon expliquait cela mit Alyssa en confiance : il avait été sincère dès le départ et elle voulait bien le croire. Il passèrent donc par l'entrée où Alyssa rencontra la passeuse qui l'inscrivit dans le registre des enfants de l'Horizon. Une nouvelle vie commençait pour elle et elle avait déjà l'impression que sa vie sur Terre était bien loin, comme irréelle. Après s'être inscrite, Devon lui proposa de l'accompagner jusqu'au Palais où on lui expliquerait tout et où on se chargerait d'elle. Ils traversèrent l'Horizon en volant et discutant de tout et de rien. Devon lui expliqua comment il était devenu recruteur et en quoi cela consista. Il lui dit que de son avis personnel, l'élite était les recruteurs ainsi que les espions. Alyssa écoutait d'une oreille attentive, absorbant chacune de ses paroles expliquant le pourquoi du comment de ce monde merveilleux. Quand ils arrivèrent à destination, il la laissa un sourire aux lèvres, disant qu'il était sur qu'elle aurait un bon avenir. D'après lui, elle ferait partie de cette dite "élite". Peu importe ses paroles encourageante et cet apparent intérêt, elle ne le revit jamais.
Peu de temps après, Alyssa entamait sa scolarité avec les formations de vol acrobatique, vol supersonique, maitrise d'arc, combats psychologie et sport complément, s'offrant ainsi les possibilités d'entrer dans cette fameuse "élite" dont parlait Devon. Elle s'avéra très douée, et elle rentra directement dans le Camp Anti-Nuages à la fin de ses études, risquant le tout pour le tout et tentant de devenir espionne. Elle y mit tellement de volonté, de temps et de talent qu'elle décrocha le job, âgée à peine de seize ans. Son patron lui déclara un jour qu'elle était « l'espoir de l'horizon », et elle en était très fière car c'était un homme assez dur et perfectionniste, qui complimentait rarement ses « inférieurs ».
Entre temps, elle avait retrouvé sa meilleure amie Jude qui était elle aussi venue dans l'Horizon et elle fut très triste de devoir partir espionner dans les Nuages. Pour la rassurer, Jude lui dit qu'elle était fière d'elle et que même si elle allait beaucoup lui manquer, il fallait qu'elle le fasse. Alyssa savait dores et déjà que personne au monde ne pourrait remplacer sa meilleure amie. Et puis il y avait Joshua : ce garçon avec qui elle avait régulièrement des aventures, mais avec qui rien ne se concrétisait. Tout deux séducteurs, ils ne s'avoueraient jamais qu'ils se plaisaient plus que pour quelques câlins. Elle regretta un peu de partir pour Joshua, mais ne se le dit même pas en pensée, trop fière pour cela. C'est donc à l'âge de seize ans qu'elle redescendit dans l'entre monde en faisant semblant de monter pour la première fois dans le ciel. Elle fut abordée par un enfant des Nuages qu'elle suivit « docilement ».

« Il n'existe pas de bien ou de mal, ceux-ci se trouvent où l'on décide de les placer. »
Alyssa Symphony Caldwell.
Quand elle monta dans les Nuages, elle s'y sentit étonnement bien. Elle avait pensé que ce serait un endroit détestable, mais pas du tout. Elle gardait pourtant toujours son sentiment d'appartenance totale à l'Horizon. Elle fut rapidement menée à l'EAP et elle découvrit un monde presque similaire à celui de la brume, à quelques détails près cependant. Elle étudia diverses options, certaines qu'elle avait déjà eu l'occasion de voir à l'EAB et d'autres nouvelles et bien sûr il s'avéra qu'elle était excellente - étant donné qu'elle avait déjà secrètement tout un passé d'apprentissage. Quand elle sortit de l'EAP elle se fit rapidement une place dans la société, se faisant très amie avec une guide nommée Lindsay et forgeant une amitié extraordinaire avec un des prétendants de la Reine, Marshall. Elle devint de plus en plus connue et appréciée, et elle décrocha alors qu'elle avait vingt-trois ans un emploi en or : directrice de l'agence météo. Elle était reconnue à sa juste valeur, certes, mais aussi et surtout elle avait un rôle stratégique pour sa mission d'espionnage. Elle pouvait dire à ses camarades quand il y aurait des montées d'enfants, sachant tout sur tout depuis son rôle de chef.
Cependant la double vie menée par Alyssa est complexe : elle s'en veut de mentir comme ça aux gens à qui elle s'est attachée sur les Nuages, et même si elle reste persuadée que l'Horizon a raison, elle sait maintenant qu'il existe des gens merveilleux dans l'autre camp. De plus il est très dur pour elle de ne pas voir sa meilleure amie autant qu'elle ne le voudrait. Et puis Joshua. A chaque fois qu'elle revient des Nuages, elle tombe inexorablement dans ses bras. Le bonheur qu'elle ressent quand elle y est n'est pas comparable aux autres, pourtant elle ne le dira jamais, ou du moins pas tant que lui ne lui avoue pas une telle chose. Et s'il ne ressentait rien ? Alyssa se pose de nombreuses questions et ne sait pas vraiment quel est ce sentiment qu'elle ressent. Il est sur qu'aucun autre - autant qu'il y en a - ne lui le même effet, mais peut-être est-ce simplement de l’attirance plus forte que pour les autres ?
Alors, prête à vivre une vie exceptionnelle, à mi-chemin entre deux mondes ennemis mais autant riches l'un que l'autre, Alyssa Symphony Caldwell ?